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Corticosteroids versus clobazam for treatment of children with epileptic encephalopathy with spike-wave activation in sleep (RESCUE ESES) : a multicentre randomised controlled trial
C'est parti !

Lien vers le résumé : https://www.thelancet.com/journals/laneur/article/PIIS1474-4422(23)00409-X/abstract

On vous laisse écouter !

Introduction

Le Dr Laurent Vercueil, accompagné du Dr Dorothée Ville, Neuropédiatre aux hôpitaux civils de Lyon et du Dr Anne De Saint Martin, Neuropédiatre au CHR de Strasbourg sont réunis pour commenter un article récemment paru dans le numéro de février du Lancet Neurologie.

Thématique de l’article : Epileptic encephalopathy with spike-wave activation in sleep, appelé POCS en anglais.

Pourquoi parler de ce syndrome ?

II s'agit d'un essai randomisé contrôlé européen, impliquant des équipes notamment scandinaves, mais aussi la France, avec une représentante parmi nous qui est Anne de Saint-Martin, qui est co-autrice de l'article. Comparons donc deux bras, deux populations exposées, l'une aux corticostéroïdes et l'autre à une base de désépine qui est le clos basal. Et donc nous allons décortiquer cet article fort intéressant et je vais commencer par monopoliser la parole pour présenter les grandes lignes de ce travail.

Qu'est-ce que le POCS ou pointe-ondes continues du sommeil lent ?

Il s'agit d'une épilepsie du petit enfant plutôt, donc de la première enfance, habituellement des enfants préscolaires. Ils vont développer une activité pendant le sommeil de pointe-ondes diffuses, souvent, continues qui va empêcher le sommeil d’effectuer son travail de sommeil, c'est à dire de permettre à l'enfant de faire ses acquisitions.

Résultat, ce sont des enfants qui ont des crises, mais surtout qui ont un arrêt ou carrément une régression dans leurs acquisitions et leur développement.

Etude

L'étude a consisté donc à inclure des enfants âgés de 2 à 12 ans, présentant un POCS évoluant depuis moins de six mois avant l'inclusion. Ce POCS va être qualifié soit de typique avec une activation des pointes bilatérales occupant plus de 85 % du sommeil lent, plus un arrêt ou une régression développementale ou alors une inclusion de POCS dit atypiques, soit donc bilatéraux, mais avec une occupation de 50 % plus arrêt ou régression développementale, soit unilatérale, donc un seul émis cela rapidement. Vous voyez que beaucoup d'enfants ont été évalués, mais au total seulement 45 enfants ont pu participer à l'étude. 22 ont reçu des corticostéroïdes, 23 du clobazam. Les corticostéroïdes pouvaient être soit des methylprednisolone intraveineuse, soit des prednisolones orales.

Et au total donc, les enfants qui ont été étudiés l’ont été sur la base de deux objectifs principaux qui consistaient dans l'évaluation cognitive, en particulier le QI après six mois. Ils ont été suivis jusqu'à 18 mois dans le follow up.

Les deux populations soit sous clobazam soit sous corticostéroïdes étaient tout à fait comparables, que ce soit le sexe, l'âge moyen, l'inclusion, etc. Ce sont des enfants qui sont tout à fait comparable dans les deux groupes. Il faut noter d'ailleurs que dans les causes du POCS, il y avait une proportion assez importante d'enfants qui étaient porteurs de lésions cérébrales, structurelles ou d'anomalies génétiques puisque c'est le cas de plus d’un enfant sur deux.

Ce sont donc des enfants qui ont les critères de POCS, qui ont souvent des développements qui sont altérés avant même le début du POCS, probablement en raison de la présence de lésions cérébrales et qui vont être évaluées à six mois.

Qu'est-ce que ça donne à six mois ?

Voilà le tableau des résultats. Vous avez ici le groupe Clobazam et le groupe Corticostéroïdes. Vous voyez que l'objectif principal qui était à six mois et qui va être défini par une réponse, une évolution du score de QI supérieur à 11 points environ, va concerner cinq enfants, donc à peu près 25 % dans le groupe corticostéroïdes, alors qu'il ne concerne aucun enfant dans le groupe clobazam. C'est le résultat le plus important lorsqu'on regarde le delta du QI, c’est à dire l'évolution du QI dans les deux groupes, l'évolution est de cinq points, ce qui n’est certainement pas un gros score, mais c'est une moyenne pour tout le groupe alors qu'elle est de -0,7 dans le groupe clobazam.

Lorsqu'on regarde la tolérance, c'est un autre aspect important de l'article, c'est à dire dans quelle mesure les traitements proposés ont été bien ou mal tolérés. On se rend compte qu'il y a effectivement plus d'effets secondaires dans le groupe clobazam ou bien que globalement, on soit à peu près sur un effet indésirable sur pour deux patients.

Discussion

La première raison évidente est qu'on se retrouve face à une épilepsie sévère avec un impact cognitif et épileptologique et en vie quotidienne majeure, pour lesquelles l'enjeu thérapeutique est extrêmement important. Et qui ne répondent pas aux thérapeutiques classiques qui peut être aggravé par certains traitements. Et qu'aujourd'hui, les recommandations reposent sur des études qui ne sont pas de haut niveau de preuve. Donc pour pouvoir essayer d'avancer, d'avoir une démarche rationalisée avec deux médicaments qui ont potentiellement des effets secondaires, est quand même un défi intéressant.

Donc si on regarde les résultats de cette étude, qui a l'avantage d'avoir un établi une étude contrôlée et randomisée, ce qui est un gros effort, on peut être interpellé par les faibles résultats qui m’ont étonné d’effets positifs que ce soit sur corticostéroïdes ou sur clobazam sur l’amélioration EEG et également sur le plan cognitif. Alors sans plan cognitif, on peut se poser la question du choix du QI global qui peut ne pas forcément être totalement représentatif des modifications cognitives qui sont souvent très hétérogènes chez ces enfants-là. Dans les éléments qui sont aussi à commenter, c'est à la difficulté à pouvoir conduire une telle étude avec la population totale de patients qui n'a pas pu être atteinte et c'est vrai que ces éléments m'ont fait réfléchir, d'une part sur une pathologie de POCS devant ces résultats qui pouvaient sembler un peu décevant, qui est certainement une pathologie hétérogène avec de multiples causes et avec une part d'encéphalopathie développementale et  pas uniquement épileptique et peut être que les POCS sont à réfléchir dans cette dimension-là, et pas uniquement sur les dégâts causés par l'épilepsie.

Malgré tout, il y a un certain encouragement à poursuivre la prise en charge par corticoïdes dans cette étude. Et l'autre élément est aussi la nécessité de pouvoir trouver d'autres modèles d'études pour ce genre d'épilepsie et de pathologie. Parce qu'on voit bien que comparer deux médicaments sur une méthodologie comme ça est extrêmement difficile, comme cela a été montré dans d'autres épilepsies. Je crois qu'il peut y avoir d'autres modèles qui commencent à être réfléchis comme cela a été fait ici.

Oui alors peut-être une chose que je n'ai pas dit, c'est qu’effectivement, Dorothée a raison, l'étude se déroule de 2014 à 2022, c'est à dire quand même sur huit and de recrutement. Alors, on a la chance d'avoir un petit peu un œil sur les coulisses de l'étude avec toi Anne. Le recrutement au départ était planifié sur 130 patients.

Est-ce que tu sais comment ça a été établi ? Et finalement pourquoi est-ce que c'était compliqué à obtenir les 130 patients ? Alors je ne suis pas dans le secret de toutes les coulisses mais Flores Hansen qui a mené cette étude d'Utrecht avait été effectivement au départ très ambitieuse sur le volume c'était pour des aspects statistiques. C'était pour rendre effectivement ces résultats significatifs. Là, où je lui rendrai hommage quand même, c'est cette constance qu'elle a gardé pendant ces huit années où elle a vu effectivement que le recrutement était difficile. Et une des principales raisons était qu'il fallait que les patients soient naïfs de benzodiazépine. Donc il fallait les prendre en charge tout de suite. Or, dans les centres tertiaires qui étaient tous autour de la table, on a souvent des patients déjà traités, soit par benzodiazépines avant les corticoïdes et donc finalement voir des patients naïfs de tout traitement ou alors traités par des traitements autres, ce n’est pas si fréquent. Ça, c'est effectivement ce qui a fait qu'on a tous eu du mal à recruter et il y a eu en plus la pandémie qui est arrivée ensuite. Mais donc, Jorgensen a tenu à poursuivre cette étude jusqu'au bout. Et là où on doit rendre hommage, c'est effectivement cette étude qui est quand même une des premières en randomisées. Et ça, c'est vrai que c'était très important et ça vient après une méta analyse extrêmement complète faite par Bart Vanschoff sur toutes les études qui de plus ou moins près, avaient utilisé des corticoïdes mais qui étaient toujours des case report ou des petites études sans randomisations claires. Et donc, l'autre originalité, c'était de partir sur un primery enpoint qui soit cognitif et non pas un EEG. Effectivement, à l'inverse, la limite de ce point cognitif ce que disait Dorothée, c'est qu'on est sur une somme de QI globale et qui ne rend pas bien compte effectivement des particularités des patients, très hétérogène, dont certains vont avoir une chute dans les performances non verbales ou d'autres au contraire de Landau. Et c'était le cas de notre patiente qui avait une chute des compétences verbales alors qu'elle gardait de très bonnes compétences de raisonnement non verbal.

Donc ces limites ont probablement fait plafonner ces améliorations cognitives qu'on pouvait observer. Donc, effectivement, l'effectif de cinq répondeurs paraît faible, mais il est possible qu'il y ait eu des répondeurs sur des compétences cognitives plus hétérogènes qui n'ont pas été effectivement recensées ici.

L'autre particularité que je voudrais dire sur les effets secondaires. La plupart des collègues européens qui étaient dans ce groupe utilisent essentiellement la thérapie pulsée, donc la corticothérapie pulsée, qui effectivement donne moins d'effets secondaires que de la corticothérapie orale. On peut en France être un peu surpris de voir autant d'effets secondaires dans le groupe clobazam et aussi peu dans le groupe corticoïdes. Donc c'est pour dire que la plupart des patients ont eu une corticothérapie pulsée. Voilà, un autre était plutôt sur une corticothérapie au long cours. Moi j'ai découvert par cette étude et avec notre patiente, c’est qu'on peut démarrer un traitement d'emblée par des corticoïdes chez un patient naïf de tout traitement avec un très bon résultat. Ce n'est pas dans notre culture. On a toujours pour habitude de mettre une monothérapie, éventuellement antiépileptique, ainsi convulsivante. Et bien, en l'occurrence, la corticothérapie seule peut être efficace pour certains patients.

Et alors, ce que disait aussi Dorothée sur le parcours développemental de l'article optique, avec le risque peut être aussi d'avoir inclus des patients qui avaient des lésions cérébrales et peut être des pathologies structurelles ou génétiques. Où en fait, le cours de la maladie était peut-être plus important finalement que le rôle propre du processus. Effectivement, dans ce groupe, on a un peu de mal à séparer les sous-groupes. Il y a quand même effectivement dans la discussion il apparaît que le sous-groupe structurel a un moins bon répondeur. Donc les objectifs de traitement restent quand même, je dirais d’avoir un traitement assez actif au départ de la maladie. Il faut aussi reconnaître que cette étude s'arrête à six mois. On est sur un primery inpoint à six mois, c'est assez court dans toute la durée de la maladie et on se rend compte qu'à 18 mois, les résultats sont parfois moins bons avec une petite baisse. Mais la conclusion reste quand même celle d'une thérapie active au départ pour ne pas faire perdre de chances au patient qui répondrait.

Conclusion

Devant ces résultats qui peuvent sembler modestes, avec certainement une méthodologie, ça a encouragé aussi ma réflexion dans les POCS légionnelles unilatéraux vers une discussion chirurgicale peut être pas trop tardive, mais devant le côté modeste du traitement médicamenteux.

Alors peut être Anne, si tu connais un peu les datas qui sont derrière. Dans les répondants aux corticoïdes, il y avait beaucoup de légionelles, beaucoup d'enfants porteurs de lésions cérébrales ?

Alors je n'ai pas tout le détail. On a eu quelques échanges collectifs, mais qui ressemblent à ressortir de l'étude, c'est que les formes structurelles répondent moins. Mais effectivement il manque des détails pour pouvoir être plus précis sur les corps. Mais il semble que les répondeurs sont plutôt des unknown.

Parce qu’on a tendance à plutôt à éviter les corticoïdes chez des patients qui sont atteints de lésions.

Non, ça, je ne crois pas que c’est le message qui doit ressortir et je pense qu'il ne faut pas faire perdre de chances. Certains structurels peuvent répondre moins, mais pour autant, je ne pense pas qu'on puisse se passer de cette étape. En tout cas, dans notre pratique. Il ne faut pas perdre non plus trois ans, mais l'idée est peut-être de faire une période courte. C'est un peu le résultat de cette étude, c'est à dire de se dire six mois et on regarde.

Oui, je crois qu’une corticothérapie initiale et sans tarder reste quand même le message du traitement dans les POCS.

*Ce texte est une retranscription du podcast ci-dessus, il est possible que quelques erreurs de lexique, formulations, etc... se soient glissées dans le texte, référez-vous plutôt à la vidéo du podcast.

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